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Masterclass : SCI, vraie ou fausse bonne idée ?

Publié le 29 avril 2022 - Mis à jour le 23 octobre 2023

En tant que nouveau professionnel de l’immobilier, votre succès dépendra, entre autres, de votre capacité à prodiguer le meilleur conseil, y compris d’un point de vue fiscal et juridique. En cela, appréhender l’incidence des régimes matrimoniaux dans l’achat d’un bien et renseigner son client sur l’intérêt de recourir à une SCI est un prérequis, dont la dernière Masterclass ifocop a pu balayer les principaux items grâce aux conseils éclairés d’une experte, mobilisée pour l’occasion.

SCI : vraie ou fausse bonne idée ?

Cette experte, c’est Corinne Filippone-Schamber. Consultante et formatrice en droit patrimonial de la famille, droit immobilier et droit fiscal, elle compte à son actif 25 années d’enseignement universitaire et de formation professionnelle. Véritable passionnée, par ailleurs intervenante au sein du réseau ifocop, elle ne cache pas son plaisir de décrypter les dispositifs immobiliers et fiscaux existants en France, pour ensuite en extraire l’essence et en simplifier ainsi la compréhension du public, toujours dans le cadre d’actions pédagogiques. Cette Masterclass en aura une nouvelle fois apporté la preuve.

Le constat

Alors que selon les dernières données disponibles, 58% des ménages métropolitains (couples mariés ou non) étaient propriétaires de leur résidence principale au 1er janvier 2018, 80% des Français se trouvant alors dans une situation de vie de couple affirmaient aspirer à la propriété. Un rêve immobilier duquel résulte de nombreuses interrogations pratiques quand vient l’heure de franchir le pas.

Quelle est la nature du bien acquis, et à quelles proportions ? Quel sort pour l’immeuble en cas de décès de l’un des deux conjoints ? Le fait d’avoir des enfants, y compris d’un précédent mariage, va-t-il avoir une incidence plus tard ? Constituer une SCI dans le but de procéder à une acquisition immobilière revient souvent dans les conversations… Mais est-ce vraiment pertinent dans ma situation ? Quid en cas de divorce ?

REGLE N°1 : s’interroger sur sa situation personnelle

« Au-delà de ces problématiques purement civiles, on note souvent des velléités d’optimisation fiscale dans le cadre d’une acquisition et surtout en vue de la future transmission, soit entre conjoints, soit à la génération suivante », note Corinne Filippone-Schamber, pour qui la question de l’incidence du statut du couple en matière d’immobilier conduit « inévitablement » à s’interroger sur plusieurs points précis de sa situation personnelle. Notre experte ne manquera pas de rappeler qu’en l’absence de SCI, ce sont les mécaniques ordinaires qui s’appliquent, selon que vous soyez marié, pacsé ou en concubinage.  « On pourrait imaginer qu’il faille distinguer ces trois régimes pour conclure sur la nature des biens acquis, mais la réalité est différente », analyse Corinne Filippone-Schamber.

  • Les couples mariés sur le principe de la communauté des biens

Ces couples, mariés sans contrat de mariage après le 1er février 1966 représentent environ 85% de la population ayant choisi de se marier. Pour eux, le fonctionnement est relativement simple : tous les biens, meubles ou immeubles, acquis en cours de mariage sont considérés comme faisant partie du bien commun. Et hormis de très rares exceptions comme celle où l’un des deux époux fait préciser, par voie de notaire, que les fonds employés lui appartiennent en propre (et qu’il peut prouver en avoir été propriétaire avant le mariage) ou dans le cas où survient un héritage, le pot commun demeure la règle. Tout comme le consentement des deux époux pour toute vente immobilière. « Ce qui peut générer une situation de blocage en cas de désaccord et entrainer un arbitrage judiciaire », précise notre intervenante.

  • Situation des époux séparés de biens, des partenaires pacsés et des concubins

Pour eux, l’acquisition des biens se fait en indivision, le plus souvent à hauteur de la moitié de la valeur financière, sauf en cas de financements inégalitaires. « Je vous donne un petit conseil à transmettre à vos clients qui se trouveraient dans cette situation. Suggérez-leur de faire mentionner par le notaire dans quelles proportions chacun finance le bien. Cela semble anecdotique quand tout va bien, mais en cas de litige, cela se révèle salutaire car par défaut, il y a présomption d’acquisition par parts égales », rappelle Corinne Filippone-Schamber. Là encore, la vente des immeubles ne peut être décidée qu’à l’unanimité de tous les co-indivisaires. Et à nouveau, si l’un des membres du couple s’oppose à la vente… il sera nécessaire de saisir la justice. Avis enfin, aux malins qui, pensant échapper à l’impôt ou en réduire la lourdeur, déguiseraient un financement « inéquitable » en acquisition à proportions égales ! Ce don déguisé pourra potentiellement faire l’objet d’un redressement fiscal…

En cas de décès

Corinne Filippone-Schamber profitera de la Masterclass pour rappeler qu’en cas de décès de l’un des membres du couple, et toujours dans l’optique ou une SCI n’entrerait pas en ligne de mire, le sort de l’immeuble est lié à la vocation successorale du survivant. Héritage « simple » dans le cadre d’un mariage (communauté des biens), héritage potentiel et selon certaines conditions, dans le cadre d’un PACS, si et si seulement existence de testament instituant l’autre comme légataire des biens désignés. Mécanique identique en tous points pour les couples en concubinage « à la différence notable que les Droits de Mutation à Titre gratuits (droits de succession) sont ici de 60%, passé l’abattement de 1500 euros », note notre experte.

Dernier point concernant le droit de propriété du survivant sur l’immeuble : il s’arbitrera selon les dispositions du régime matrimonial pour les couples mariés, et par chemin testamentaire pour les autres. Nouvelle précision : écrire n’importe quoi sur son testament peut exposer votre légataire à quelques ennuis fâcheux. Rappelons ainsi qu’il n’est pas légal de léguer votre patrimoine au-delà d’une quotité admise! Si un héritier légitime s’estime floué, la donation pourra être contestée. En cas de décès de l’un des membres du couples, notons pour finir qu’est prévu le maintien du survivant dans le logement jusqu’à douze mois (droit temporaire) voire au-delà (viager, en déduction des droits héréditaires), même si l’occupant n’en est pas le propriétaire.

Sachant cela : quelques clés pour comprendre la SCI …

Une Société Civile Immobilière (SCI) se doit d’avoir un objet. Cet objet se veut civil (en opposition à « commercial ») et vise l’acquisition, la construction ou la gestion d’un ou plusieurs immeubles, qu’un gérant désigné par voie statutaire administre pour le compte des associés. « Qui seront deux au minimum, puisqu’une SCI ne peut exister à titre unipersonnel », souligne Corinne Filippone-Schamber.  Autre point : une SCI n’exige aucun capital social minimal. Mais le cas échéant, on peut y apporter aussi bien du numéraire (argent) qu’un bien immobilier (apport en nature), y compris celui qu’on espère administrer ! Du point de vue fiscal, l’Impôt sur les revenus (IR) ou l’impôt sur les sociétés (IS) se choisit au cas par cas, mais le choix de l’IS est irrévocable.

Le coût d’une SCI se portant à environ 3000 euros, quel avantage, dès lors, à choisir cette forme juridique ? Tout d’abord, observer qu’entre associés, se rassembler au sein d’une SCI offre des capacités de financement largement supérieures tout en mutualisant les charges et en préservant le patrimoine personnel de chacun, en cas de dettes.  En couple, Corinne Filippone-Schamber évoquera un premier avantage au regard de la transmission « car la SCI offre une méthode d’amélioration des droits successoraux du conjoint survivant grâce à des mécanismes bien rodés ». On peut ainsi faire de faire du concubin un héritier, sans fiscalité, pour peu qu’on intègre aux statuts une clause de comptine qui prévoit qu’au décès du premier des associés, l’autre devient propriétaire de toutes les parts sociales. Ce dernier n’aura alors à s’acquitter que de 5% de droits de mutation à titres onéreux. « Mais cet intérêt n’est manifeste que dans le cadre du concubinage puisque ce n’est que pour eux que les droits de succession se portent à 60%», analyse-t-elle. Sa conclusion est d’ailleurs sans appel : la SCI quand on est marié ou pacsé ne présente guère grand intérêt car d’autres mécanismes existent. Par contre, la SCI familiale, ouverte avec ses enfants voire avec ses petits-enfants, est redoutablement efficace en cas de transmission !

En guise de conclusion, quand on est un professionnel de l’immobilier : la SCI, outil plébiscité par les Français, a encore un bel avenir devant elle à certains égards… Mais n’est pas le meilleur choix pour tous ! Il convient donc de faire en premier le point sur sa situation matrimoniale, ensuite sur son patrimoine et, pour finir, sur la finalité de son projet.

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